Sémaphore Conseil

Réseaux sociaux et commerce en ligne : toujours plus loin pour capter et retenir le consommateur ?

Plateformes de streaming vidéo, réseaux sociaux et les innombrables contenus publiés en ligne ont pour objectif de retenir notre attention dans un mouvement perpétuel. L’économie de l’attention rend dépendante aux plateformes.

« La dépendance n’est pas un effet indésirable de nos usages connectés, elle est l’effet recherché par de nombreuses interfaces et services qui structurent notre consommation numérique« , souligne Bruno Patino, dans son essai La civilisation du poisson rouge.

L’internaute échange son temps contre un service en ligne supposément gratuit. Au milieu, les annonceurs financent la majorité des revenus des réseaux sociaux, et tentent de capter l’attention de l’utilisateur afin de faire passer leur message publicitaire.

 

 

En effet, Internet et les services numériques se sont développés rapidement mais l’infrastructure de paiement n’a pas su s’adapter en conséquence, les micropaiements en ligne étant peu pratiques en raison des frais de transaction élevés mais aussi de la fraude.

Deux modèles se sont alors développés afin de monétiser les services en ligne :

  • Le premier est un modèle « gratuit », où en réalité l’utilisateur paie avec son attention ou avec ses données privées qui sont revendus par les plateformes aux annonceurs. Cela a donné lieu à la popularisation de l’expression « si c’est gratuit, vous êtes le produit ». Pour autant, la généralisation de ce modèle par les GAFA a conduit à une certaine altération de la valeur de leurs services et de leur cout réel pour les utilisateurs. En l’absence d’une transaction monétaire, l’internaute n’a pas l’impression de se démunir directement, même si cette exposition à la publicité implique bien une transaction de l’annonceur à la plateforme. Les algorithmes développés par les réseaux sociaux sont conçus pour être addictifs en provoquant des réactions émotionnelles chez leurs utilisateurs afin de favoriser un engagement en continu. L’addiction à une certaine plateforme entraine ainsi une réduction du temps libre et de la concentration, tout en étant difficile à percevoir comme une influence négative, tant cette habitude commence à être ancrée dans nos quotidiens, surtout chez les plus jeunes.
  • Le second est un modèle d’abonnement, comportant tout de même certaines frictions avec bien souvent la nécessité de création d’un compte ainsi qu’un parcours de paiement en ligne. La majorité des réseaux sociaux sont d’ailleurs en train de développer des offres d’abonnement pour permettre à leurs utilisateurs de continuer à consommer du contenu en étant moins exposé à de la publicité ou du contenu sponsorisé.

D’autres modèles se développent mais restent encore marginaux. Le développement du paiement à l’usage ou « au clic » pourrait gagner du terrain. Il s’agit également d’une solution Tips testée par X (ex-Twitter), grâce à laquelle il est possible pour les internautes d’effectuer des micropaiements vers leurs créateurs de contenu favoris.

De manière générale, les réseaux sociaux semblent chercher à réduire leur dépendance aux annonceurs et pressentent que le modèle publicitaire pourrait avoir atteint ses limites.

En l’occurrence, depuis son rachat de Twitter, Elon Musk a complètement changé la stratégie et le nom de la plateforme pour X. Rapidement, une offre d’abonnement mensuelle payante a été proposée à tous les utilisateurs, leur permettant d’avoir un compte certifié ainsi que d’autres avantages.

Les créateurs de contenus peuvent désormais proposer à leurs followers de s’abonner à des contenus payants exclusifs mais aussi de percevoir ainsi une rémunération en fonction des revenus publicitaires générés par leurs post publics.

La fin du modèle gratuit et du modèle publicitaire pour les réseaux sociaux ?

Afin de pallier leur dépendance au modèle publicitaire, de nombreux réseaux sociaux cherchent donc à diversifier leurs sources de revenus. L’intégration de briques e-commerce semble être une option viable, puisque de nombreuses plateformes ont récemment lancé des fonctionnalités permettant de mettre en relation marchands et consommateurs.

Tiktok a lancé sa fonctionnalité Shop aux Etats-Unis et au Royaume-Uni afin de permettre à certains marchands de vendre leurs produits à l’aide d’une présentation vidéo (live shopping). Le réseau social chinois souhaite même aller plus loin et vendre ses propres produits via son application et non ceux de marchands tiers. Pour cibler au mieux les besoins et la demande de ses utilisateurs, TikTok peut s’appuyer sur l’analyse des données statistiques dont il dispose en termes de vues et d’engagement sur les contenus publiés.

Dans une enquête réalisée en 2021 sur huit marchés clés (dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France) par l’institut Kantar pour TikTok, intitulée « Time Well Spent« , 35 % des utilisateurs reconnaissaient passer moins de temps à regarder la télévision ou les vidéos des concurrents après avoir rejoint le réseau de ByteDance, et 45 % avoir réduit leur temps de présence sur les applis de rencontre.

Le géant du e-commerce Shopify a noué des partenariats avec Youtube et Twitter, afin que ses marchands puissent afficher leurs produits directement dans des posts ou des vidéos en ligne, créant ainsi un canal de vente naturel pour les entreprises et une certaine monétisation des utilisateurs pour les plateformes.

Le commerce conversationnel prend également de l’ampleur pour les réseaux du Groupe Meta. En effet, sur Instagram, les utilisateurs américains peuvent chatter directement avec les marques et passer une commande et effectuer le paiement tout en restant dans la conversation.

WhatsApp représente également un canal de vente en plein développement, et propose de plus en plus de solutions pour les e-commerçants. Pour preuve, le Groupe Carrefour avait expérimenté l’achat conversationnel à l’occasion des fêtes de fin d’année dernière.

« WhatsApp est aujourd’hui l’une des priorités de Meta sur le business messaging, il y a une appétence à la fois pour les utilisateurs et pour les marques« , indique Guillaume Cavaroc, business director retail et e-commerce chez Meta au Journal du Net. WhatsApp revendique 2 milliards d’utilisateurs dans le monde, dont « un milliard échange avec une marque chaque semaine. Ces usages se développent particulièrement dans des pays tête de pont comme l’Inde, le Brésil et le Mexique« .

La diversification des réseaux sociaux vers le e-commerce profite aux prestataires de services de paiement spécialisés proposant des solutions adaptées à ces canaux, à l’instar de Stripe ou Adyen.

Sémaphore Conseil
Sémaphore Conseil © 2024 Tous droits reservés